La tri-parentalité
13 septembre 2019Vous avez sûrement entendu parler du jugement qui vient d’être rendu sur le statut de la tri-parentalité au Québec. Le 16 août 2019, le juge de la Cour d’appel, Nicholas Kasirer, s’est prononcé sur le jugement de première instance qui a été rendu par le juge Gary Morrison en 2018. Ce jugement vient de confirmer que l’état du droit actuel ne permet pas l’existence de la tri-parentalité au Québec. Vous vous demandez probablement qui peut être parent au Québec, seulement les couples le peuvent; que ce soit un couple hétérosexuel ou homosexuel.
Au printemps 2018, le juge Morrison a fait face à un cas de tri-parentalité concernant un couple lesbien qui désirait un enfant. Les deux femmes ont donc fait appel à un homme, qu’elles ont rencontré sur internet, pour les aider à accomplir leur souhait. Le trio s’est entendu pour agir tous les trois comme parents de l’enfant. Il a été décidé que les trois seront activement présents dans la vie de leur enfant. Au Québec, seulement deux noms peuvent figurer sur un acte de naissance. Donc, les parties ont décidé d’indiquer les noms du couple sur l’acte de naissance, soit celui de la mère biologique et de sa conjointe à l’époque.
En juillet 2016, la mère non-biologique de l’enfant décide de commencer un processus de changement de sexe. Le couple se dissout la même année, mais le trio continue tout de même d’élever conjointement l’enfant. Le père biologique communique alors son désir de voir son nom inscrit à l’acte de naissance de l’enfant. Les parties se retrouvent donc en cour à la suite de la demande de reconnaissance de filiation du père biologique. Le juge Morrison conclut alors que le projet parental du couple lesbien ne s’agissait pas d’un projet parental à assistance à la procréation assistée. Il s’agissait alors d’un cas de filiation par le sang. Le nom de l’ex-conjoint de la mère biologique a donc été rayé de l’acte de naissance, pour laisser place à celui du père biologique.
Un appel a été demandé par l’ex-conjoint de la mère biologique. Le juge Nicholas Kasirer de la Cour d’appel est venu à une conclusion différente de celle du juge Morrison. Il a reconnu l’existence d’un projet parental formé bien avant la rencontre du père biologique. Le père serait donc un simple tier et n’aurait aucune filiation avec l’enfant. Il est important de noter, qu’en droit de la famille, ce n’est pas la filiation par le sang et les preuves génétiques qui priment. De plus, le juge Kasirer a profité de ce cas pour mettre l’accent sur la distinction entre la parenté et la parentalité. Le fait que le père biologique agisse comme un parent envers l’enfant n’a aucun impact sur la parenté de celui-ci. La parenté est un aspect purement légal qui se rattache à la filiation (Droit de la famille – 111729). Le juge Kasirer a donc substitué le nom du père biologique de l’acte de naissance par le nom de l’ex-conjoint de la mère biologique.
En 2018, le juge Morrison a dénoncé le besoin de réforme du droit positif québécois, dans le but de régler de nouvelles situations qui se font de plus en plus présentes dans la société d’aujourd’hui, comme le cas de la tri-parentalité. Cependant, le juge Kasirer a refermé cette ouverture puisque, selon lui, cette proposition « divise les esprits et, […], appelle à une réflexion que l’on ne peut faire à partir du dossier tel que présenté devant la Cour. » Plusieurs figures du monde juridique se sont prononcées sur ce sujet, dénonçant la réalité de la tri-parentalité et le besoin flagrant de réforme du droit familial.
Saviez-vous que la tri-parentalité est acceptée en Ontario et en Colombie-Britannique? On voit que notre société se pose des questions. Cette notion de progression ouvre la porte au législateur, elle le force à se questionner. Il y a un développement sociétal important qui est à suivre.